Lorsque l’on parle de « plan numérique », une question essentielle se pose : ce plan est-il au service des autres axes stratégiques du territoire, ou se développe-t-il en vase clos ? Trop souvent, les initiatives numériques – qu’elles concernent la dématérialisation administrative, la modernisation des infrastructures ou l'inclusion numérique – ne dialoguent pas véritablement avec les politiques publiques existantes.
Or, les territoires ne doivent pas opposer numérique et aménagement, inclusion ou durabilité, mais les traiter comme des composantes interconnectées. L’objectif n’est pas uniquement d’implanter les nouvelles technologies, mais bien de maximiser leur capacité à transformer positivement les politiques publiques existantes.
Articuler ces transitions au sein des politiques numériques garantit une cohérence d’action, tout en permettant d’éviter les silos.
Concrètement, l’harmonisation d’un plan numérique avec les autres politiques publiques repose sur trois piliers : la gouvernance collaborative, les outils transversaux et une évaluation rigoureuse. Détaillons chacun de ces aspects.
L’intégration du numérique dans les politiques publiques exige une gouvernance globale qui inclut l’ensemble des parties prenantes : élus, agents territoriaux, opérateurs locaux et citoyens.
Par exemple, lors de la mise en œuvre du plan numérique de Barcelone, des consultations citoyennes régulières ont permis d'adapter les solutions technologiques aux réalités des quartiers, tout en renforçant l’adhésion globale.
Les outils numériques ne peuvent être cloisonnés par secteur. Une bonne pratique consiste à investir dans des plateformes interopérables qui alimentent plusieurs politiques publiques à la fois.
Un exemple frappant réside dans les systèmes d’information géographique (SIG). Ces outils servent à la fois :
Autre solution souvent mise de côté : les catalogues de données ouvertes, qui favorisent la transparence, la collaboration, et encouragent à réinventer l’usage des datas pour d’autres finalités stratégiques.
L’évaluation est essentielle pour s’assurer que le plan numérique reste aligné avec les objectifs des autres politiques publiques.
Trois indicateurs peuvent être suivis :
Les données collectées permettront d’ajuster le plan numérique, en renforçant ses effets là où les résultats s’avèrent encore insuffisants.
Pour s’inspirer, il est utile de regarder les cas de territoires qui ont su harmoniser leurs politiques numériques et publiques.
Grenoble est souvent citée comme un territoire pionnier en matière de transition énergétique et numérique. La ville a notamment mis en place une plateforme unique, connectant les données de mobilité, de consommation énergétique et de qualité de l’air, utilisée à la fois par les collectivités, les citoyens et les chercheurs. Ce choix intersectoriel a permis une politique cohérente entre écologie et numérique.
Un écueil très fréquent est de baser un plan numérique uniquement sur l’investissement technologique, sans lien avec le terrain. L’exemple des smart cities asiatiques comme Songdo en Corée du Sud – souvent qualifiées de villes fantômes – illustre les limites de ces approches "top-down", où l’humain est négligé au profit de la technique.
Dans la construction des territoires numériques, il devient clair que l’articulation avec les autres politiques publiques est plus qu’un simple atout : elle est obligatoire. Face aux défis environnementaux, sociaux et économiques, le numérique offre des solutions mais impose également des responsabilités.
Les collectivités doivent donc se demander, à chaque étape de leur projet : « Cette stratégie est-elle en cohérence avec nos autres priorités ? ». En alliant transversalité, innovation et pragmatisme, elles pourront dessiner des territoires véritablement connectés, alliant progrès humain et développement durable.