Pourquoi les appels à projets sont devenus incontournables pour les collectivités ?

La transition numérique des territoires s’accélère, portée par des usages de plus en plus ancrés dans le quotidien des citoyen·nes et des agent·es publics. Mais concrètement, comment financer la refonte d’un site, le déploiement de services en ligne, la mise en place d’ateliers d’inclusion numérique ou encore la gestion intelligente de son éclairage public ? Pour de nombreux acteurs publics locaux, l’appel à projets (AAP) est devenu une ressource centrale, et a profondément transformé la manière de penser l’innovation dans l’action publique.

En 2022, près de 2,3 milliards d’euros ont été attribués à des initiatives numériques territoriales via différents dispositifs nationaux et européens, selon le rapport de la Caisse des Dépôts (source). A l’échelle locale, 47% des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) disent avoir répondu à au moins un AAP sur la thématique numérique durant l’année écoulée (Banque des Territoires).

L’intérêt est double : non seulement le financement permet d’initier des projets parfois complexes ou coûteux, mais l’AAP crée aussi une dynamique : il structure un partenariat, oriente une feuille de route, fait jouer le ressort de l’expérimentation et incite à rechercher des synergies avec d’autres acteurs locaux.

Panorama des principaux appels à projets pour le numérique territorial

Identifier le bon dispositif suppose de bien connaître l’écosystème. La variété des financeurs, la diversité des thématiques et la temporalité des AAP nécessitent une veille régulière. Voici quelques dispositifs majeurs :

  • France 2030 : Programme d’investissement massif doté de 54 milliards d’euros, intégrant des volets numériques essentiels (cybersécurité, cloud, souveraineté des données).
  • Banque des Territoires : Elle accompagne les collectivités via des AAP sur les plateformes numériques de services, l’inclusion, la donnée publique ou encore la smart city.
  • ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires) : Elle coordonne des dispositifs tels que “France Services”, “Territoires intelligents”, ou “Petites villes de demain”, financés notamment sur des axes numériques.
  • Europe (FEDER, Horizon Europe, MIE…) : Plusieurs dizaines d’appels transnationaux ou régionaux, souvent sous-utilisés par les petites collectivités faute de ressources pour monter le dossier.
  • Appels à projets régionaux et opérateurs privés : Régions, conseils départementaux, fondations (Fonds d’expérimentation pour la jeunesse, Fondation AFNIC, etc.) proposent régulièrement des financements sur des axes précis.

A noter : chaque appel à projets a ses spécificités (publics cibles, dépenses éligibles, critères de sélection). Les axes les plus courants en 2023-2024 : inclusion numérique, données territoriales, participation citoyenne, open data, dématérialisation de services, cybersécurité, éducatif et médiation numérique.

Pour une veille à jour :

Appel à projets, subvention, marché public : bien comprendre les différences

Confusion fréquente : beaucoup assimilent l’appel à projets à d’autres outils, comme la subvention classique ou la commande publique. Pourtant, leur logique diffère :

  • L’appel à projets : C’est un processus concurrentiel. La collectivité candidate avec une idée, un projet précis ou une expérimentation. Les meilleurs dossiers sont retenus sur des critères de pertinence, d’innovation ou d’impact.
  • La subvention : Attribuée le plus souvent de façon récurrente à un bénéficiaire défini (association, structure), elle a un spectre d’actions plus large et moins centré sur l’innovation.
  • Le marché public : Ici, la collectivité achète une solution ou une prestation dont elle a explicitement défini le besoin, auprès d’un prestataire.

Les AAP permettent parfois de financer des phases amont (diagnostic, prototypage, dispositifs pilotes), là où la subvention ou le marché public interviendront à d’autres étapes. C’est une opportunité précieuse pour “sortir du cadre” et proposer des solutions adaptées à son territoire.

Ce que recherchent les financeurs : clés de succès pour un dossier solide

Plus de 4 dossiers sur 5 déposés sur les AAP nationaux sont jugés incomplets ou mal ciblés lors de la première instruction, d’après la Cour des Comptes (source). Pour maximiser ses chances, plusieurs éléments sont à travailler dès la préparation :

  1. Clarté et impact du projet : Un objectif limpide, aligné avec les ambitions du financeur (ex : lutter contre la fracture numérique, rendre les services plus accessibles, sécuriser les données locales).
  2. Adossage à une stratégie territoriale : Les dossiers “hors-sol” sont systématiquement écartés. Prouver l’ancrage dans la démarche locale (projets cités dans un PCAET, un schéma directeur, une feuille de route SMART City...).
  3. Gouvernance et partenariat : La capacité à associer partenaires (associatifs, économiques, académiques) est souvent décisive. 62% des AAP nationaux retiennent les projets impliquant au moins un partenaire hors collectivité (Observatoire des Territoires).
  4. Mesurabilité des résultats : Définir des indicateurs. Combien de personnes bénéficiaires ? Quels impacts d’ici 2 ans ? Les financeurs veulent des chiffres clairs.
  5. Solidité budgétaire : Prévoir une ventilation des dépenses, anticiper la pérennité (coût de fonctionnement après la phase financée). Montrer un cofinancement, même modeste, est presque toujours valorisé.

Astuce souvent oubliée : dès l’idée de réponse, contacter la structure porteuse de l’appel (mail ou téléphone) pour avoir un retour sur la recevabilité ou bénéficier d’un éclairage sur certains critères.

De l’idée à la réalisation : les phases clés de l’AAP numérique territorial

Étape Objectifs clés Pistes et conseils
1. Veille et ciblage Identifier l’appel pertinent, comprendre ses axes prioritaires Suivre les newsletters, enquêter sur les appels passés, anticiper les thèmes récurrents
2. Co-construction et cadrage Bâtir une équipe projet pluridisciplinaire, structurer le partenariat Impliquer le service numérique, les directions métiers, des partenaires externes dès l’écriture
3. Rédaction du dossier Mettre en valeur l’innovation, le réalisme, l’intégration aux stratégies territoriales Soigner la clarté, respecter scrupuleusement les attentes du financeur (formats, volumes, pièces annexes)
4. Dépôt et suivi S’assurer de l’accusé de réception, garder le contact avec l’instructeur Préparer des réponses à d’éventuelles questions complémentaires
5. Mise en œuvre et valorisation Piloter efficacement le projet, produire des bilans et indicateurs Partager l’expérience et les résultats (publication, retour d’expérience, visite d’élus…)

Le label obtenu via un AAP peut devenir un véritable “effet levier” : il donne de la visibilité au territoire, crédibilise le projet et attire parfois de nouveaux financements publics ou privés.

Focus : des exemples emblématiques de projets financés par appels à projets

  • Le réseau “Inclusion Numérique” dans la région Centre-Val de Loire Porté grâce au dispositif “France Relance”, le réseau a financé près de 80 conseiller·es numériques, équipé 60 espaces de médiation et initié plus de 2 500 ateliers de formation, entre 2021 et 2023 (source).
  • L’expérimentation “IoT & smart city” à Dijon Dans le cadre de l’AAP Territoires d’innovation lancé en 2019 par l’État, un écosystème public-privé a permis le déploiement de capteurs urbains connectés, tableaux de bord d’énergie, mobilité intelligente… Plus de 16 millions d’euros sur 4 ans, avec un taux d’autofinancement de 35%. Résultat : 21% d’économie énergétique constatée sur l’éclairage public dès la première année (Métroscopie).
  • La plateforme open data DataSud (Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur) Financée par un appel à projets régional, la plateforme a permis l’ouverture de plus de 1300 jeux de données publics et accompagne aujourd’hui plus de 250 acteurs locaux. Objectif : mutualiser l’effort d’ouverture, accompagner des usages citoyens autour de la donnée territoriale (DataSud).

Ce qui ressort de ces expériences : l’importance d’avoir pensé la suite dès le montage du dossier (gouvernance, accompagnement, évaluation), et la faculté à impliquer d’autres acteurs du territoire une fois le projet sur les rails.

Aller plus loin : ressources et conseils pratiques pour réussir son appel à projets

  • Centraliser la veille :- Outils comme appelaprojets.fr, les fils Twitter de la @ANCTerritoires et @CaisseDesDepots, les réseaux régionaux.
  • Prioriser l’accompagnement : Les centres de ressources numériques, les cabinets spécialisés ou les tiers-lieux peuvent épauler les premières réponses.
  • Miser sur l’entraide : Le partage de dossiers, d’expériences réussies, les réseaux d’échanges (France urbaine, Interconnectés…) sont une mine précieuse pour progresser.
  • Anticiper le reporting : Dès la conception, penser la production d’indicateurs, tableaux de suivi et formats de livrables attendus par le financeur.
  • Éviter l’écueil de la sur-promesse : Mieux vaut une ambition réaliste portée sur le moyen terme qu’un dossier “vite fait” promettant une révolution inatteignable.

Cap sur l’innovation durable : la dynamique des appels à projets au service des territoires

Le recours aux appels à projets s’est installé comme permanent dans l’écosystème numérique territorial. Ils constituent souvent la rampe de lancement de solutions innovantes, émanent de financeurs multiples, et incitent les territoires à se structurer, coopérer, mutualiser. S’il suppose rigueur et anticipation, le processus apporte un cadre, une impulsion, un effet réseau appréciables pour les collectivités.

Nouvelles pratiques, inclusivité, outillage des agents ou attractivité des territoires : les dynamiques enclenchées grâce aux AAP constituent l’un des leviers majeurs d’un numérique à la fois concret, pragmatique et à impact.

En savoir plus à ce sujet :

COPYRIGHT © lemagdesterritoiresnumeriques.com.