Optimiser votre réponse à un appel à projets numérique : méthodes, enjeux et leviers

Les appels à projets (AAP) numériques se sont multipliés au fil des dernières années : France Relance, Plan France Très Haut Débit, Territoires Numériques Éducatifs, programmes régionaux sur l’inclusion, Digital Innovation Challenge… Si la diversité est grande, ces dispositifs partagent un objectif : stimuler l’innovation locale pour accélérer la transformation numérique des territoires, des collectivités, des associations ou encore des entreprises à impact.

En 2023, la seule Banque des Territoires recensait plus de 150 dispositifs d’appels à projets liés au numérique, pour un volume d’enveloppe dépassant 800 millions d’euros répartis sur l’ensemble du territoire français (Banque des Territoires, chiffres internes). Cette profusion augmente fortement la concurrence, mais c’est aussi une formidable opportunité d’amorcer ou de consolider des projets, à condition de savoir s’y prendre.

Lisez, relisez le cahier des charges (et entre les lignes)

Chaque AAP présente des subtilités : public ciblé, nature de l’impact attendu, priorité thématique, exigences techniques… Un projet qui rate l’alignement avec ces attendus verra ses chances réduites d’emblée.

• Repérez les mots-clés récurrents : impact, interopérabilité, accessibilité, inclusion, modèle économique…
• Analysez les critères d’exclusion (localisation géographique, public éligible, seuil financier…)
• Identifiez les différences entre ce qui relève de l’exigence incontournable et ce qui est de l’ordre du souhaité.

Prendre connaissance d’un règlement d’AAP n’est jamais une formalité. Cela évite, par exemple, de fournir un dossier trop technique à un jury majoritairement orienté "usages citoyens", ou inversement.

Identifiez les parties prenantes et les bonnes ressources

• Repérez qui porte l’appel (ministère, collectivité, groupe privé, incubateur). Échanger avec des anciens lauréats ou avec le porteur, lorsqu’ils proposent des webinaires ou FAQ, permet souvent d’aiguiser votre positionnement.
• N’hésitez pas à chercher des retours : les plateformes aap.gouv.fr ou France Num, ou les réseaux professionnels comme Les Interconnectés, facilitent cet accès.

Définir une proposition de valeur claire et singulière

Pour être compétitif, il faut partir du problème concret que votre projet résout – en quoi il contribue directement à la transformation numérique du territoire cible.

• Chiffrez le problème. Par exemple : Selon l’INSEE, seuls 61 % des personnes éloignées du numérique bénéficient d’un accompagnement régulier (INSEE, 2023).
• Détaillez pourquoi l’existant ne suffit pas (manque d’outils interopérables, faible adoption, absence d’accompagnement humain…)
• Expliquez ce que votre projet apporte en plus : accessibilité accrue, innovation sociale ou technique, capacité à être répliqué ailleurs…

Un dossier qui se fait fort d’un « effet levier » (capacité à mobiliser d’autres partenaires, à être étendu, à générer des retombées économiques ou sociales mesurables) sera toujours mieux noté.

Validez la faisabilité technique et organisationnelle

• Démontrez la robustesse de la solution technique (interopérabilité, cybersécurité, protection des données – RGPD, conformité ANSSI selon le cas).
• Précisez : Qui portera le pilotage ? Qui exécutera ? Un calendrier réaliste et des ressources humaines clairement identifiées crédibilisent l’action.
• Appuyez-vous sur des benchmarks : « Notre solution s’appuie sur l’open source, ce qui réduit de 30 % le coût global des déploiements sur 5 ans (source : Cigref, 2022). »

Insistez sur l’impact et la mesure de la réussite

• Mettez en avant des indicateurs SMART (Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes, Temporellement définis).
• Précisez : comment seront mesurés l’impact social, environnemental ou économique du projet ? (taux de fréquentation, nombre d’utilisateurs, retours d’expérience, économies générées…)
• Si possible, proposez des outils de reporting et un plan de suivi : cela rassure sur la capacité à piloter le projet sur la durée.

La dimension collective d’un projet numérique est très souvent évaluée (jusqu’à 30 % de la note globale dans certains appels à projets, selon la région Occitanie). Cela concerne :

• La capacité à fédérer plusieurs acteurs (collectivités, associations, établissements scolaires, PME du territoire…)
• Des lettres d’intention, conventions ou témoignages d’engagement signés à intégrer en annexe
• La prise en compte des usagers finaux dès la conception (co-construction, ateliers, tests utilisateurs…)

Dans le cadre de l’AAP « Transformons nos Territoires » (2022), 78 % des projets lauréats étaient issus de consortiums public-privé-associatif (Banque des Territoires), preuve qu’un projet ouvert sera jugé comme ayant un meilleur potentiel de diffusion voire de généralisation.

Un bon projet est avant tout bien expliqué. Rien ne sert d’être pionnier si la forme prête à confusion.

• Privilégiez des introductions synthétiques : « En une phrase, que promet le projet ? »
• Bannissez le jargon, ou explicitez-le (exemple : une brique de "Single Sign On" doit être expliquée – authentification unique en contexte multi-services…)
• Ajoutez des schémas, illustrations, maquettes : dans l’AAP « Inclusion Numérique par l’Expérimentation », les dossiers illustrés avaient 2 fois plus de chances d’être retenus (source : Mednum, 2023).
• Misez sur une mise en page fluide : titres intermédiaires, listes à puces, tableaux de synthèse.

Testez la lisibilité : faites relire par un "non spécialiste" afin de mesurer la clarté, la compréhension globale, l’intérêt ressenti pour le projet.

Constituez un dossier complet et conforme

• Respectez l’ordre des pièces, la pagination : dans les AAP de l’État, jusqu’à 15 % des candidatures sont ajournées pour dossier incomplet (Cour des Comptes, 2021).
• Soignez la conformité juridique : statuts, pouvoirs, attestations fiscales ou sociales à jour… Un problème administratif non réglé peut annuler tout le processus.
• Sauvegardez tout, y compris les accusés de réception : en cas de procédure contestée, ces preuves font foi.

Méfiance sur le calendrier

• Anticipez des délais parfois très courts entre la publication et la date limite (parfois moins de 2 semaines, en particulier sur les dispositifs régionaux).
• Organisez une rétroplanification : étapes clés, versions de relecture, collecte des compléments administratifs…
• Gardez à l’esprit que certains appels, notamment en France, peuvent connaître des reports ou des évolutions en cours de route : restez en veille jusqu’au bout.

• Modèles de dossier : Des ressources gratuites existent sur France Num, sur le Conseil National du Numérique ou encore via les espaces collaboratifs de la Agence Nationale de la Cohésion des Territoires.
• Exemples de projets inspirants : Lauréats du label « Territoires Numériques » ou du dispositif « 100% inclusion » sont présentés sur le site de la Banque des Territoires.
• Conseils méthodologiques : Guides « Répondre à un AAP » publiés par le CNRS, France Active ou le réseau Caisse d’Épargne.

L’expérience montre que la réussite ne tient ni à la taille de la structure, ni au pedigree des partenaires, mais au croisement d’une proposition solide, contextualisée, et d’une capacité à démontrer comment le projet s’inscrira durablement dans le tissu local.

• Évitez le « copier-coller » d’anciennes réponses. Chaque AAP a ses propres codes, ses propres attentes ; la personnalisation est essentielle.
• Ne surestimez pas les effets d’annonce : la promesse doit être proportionnée à la capacité de livrer et de piloter le projet sur le temps long.
• Mettez en avant, même en cas d’échec, la capacité d’apprentissage et d’itération : nombre de projets non retenus lors d’un AAP le sont au second ou troisième tour, après révision du positionnement ou recentrage des objectifs.

Enfin, la plupart des appels à projets offrent des temps d'échanges a posteriori (comités, webinaires, forums). Participer à ces retours d’expérience permet d’améliorer sa veille, d’affiner son offre et d’intégrer les évolutions de la doctrine publique numérique pour les éditions à venir. Le numérique change, les territoires aussi : se former en continu et nourrir son réseau restent deux piliers de la réussite.